De la perte de soi au soin des autres

 · mai 2007

L’ouvrage de Brigitte Greis, infirmière libérale, nous montre en guise de réponse que l’exercice du « bon » soignant, au contact du corps souffrant confronté à sa perte, va de pair avec une forte implication personnelle, consciente et inconsciente. L’originalité de la démarche – à cheval entre l’essai professionnel et la poésie – nous révèle les profondes contradictions indissociables de son activité : faire la part des élans propres à sa personnalité et celle de la stricte pratique professionnelle.

Il en découle une singulière galerie de corps en désordre, d’histoires de vies écourtées, à bord de « ce paquebot de l’existence ordinaire » qui « vide les propos ordonnés et stérilise le savoir professionnel ». Sur ce terreau, fruit d’une longue pratique, Brigitte Greis décrypte en douze moments cette longue intimité l’unissant au corps souffrant, livré « évidé de sa substance réelle et de sa quotidienneté » à l’étrangère qu’est la soignante. Elle y puise une réflexion profonde sur sa propre pratique paramédicale et, au-delà, sur le sens même d’une douloureuse altérité « Il se passe autre chose dans la visite soignante, une activité psychique qui mêle son intime chemin à celui du patient jusqu’à l’origine de sa quête. »

Un ouvrage hors-norme, utile témoignage sur le monde des soignantes à l’heure où la tendance va vers davantage de médicalisation à domicile, hors du cadre hospitalier, et vers une plus grande attention portée au patient en tant qu’être souffrant.